UMLICHT FILMS

Glanures d'argent

l'avenir du film argentique

L'écran sera notre rétine !

Les courts textes que nous partageons ici sont le fruit de notre intérêt marqué pour le film argentique. Ils seront concis, car l'époque l'exige. L'écran que vous contemplez est hyperactif, bondissant dans toutes les directions, à tel point qu'il vaut mieux fermer les yeux rapidement pour tenter de saisir ce qui s'échappe.


Mauricio Hernández

NOUS DEVONS PLEURER MANOJHARA

ENQUête souhaitable

Commençons par une complainte Manojhara, la région de la mort (1968) de Dominique Dubosc est perdu. Le négatif original, une boîte de 300 mètres, contenant le montage A/B, a été égaré, probablement lors d’un déménagement de l'auteur.
              Un film qui fait ressentir l'amertume et la joie au sein de la détresse humaine la plus extrême est un film d'une tendresse indicible. La magie du film opère avec la simplicité du cinématographe, un cortège accompagne un moribond en portant son lit et en lui procurant un peu d'air frais, c'est la nuit américaine du Paraguay, son visage nous regarde, mais il contemple aussi la roue du destin qui arrive en surimpression, c’est la charrette portant son cercueil. Ceci est une mise en scène bien évidemment sans que cela puisse remettre en cause le pacte documentaire avec lequel la Colonie de lépreux·ses Sainte Isabel  accueil le cinéaste. L’essence de ce geste porte en elle-même le sens du cinéma, sa puissance de transfiguration.
              Contrairement à d'autres films tournés dans des léproseries, tels que La maison est noire (1962) ou L'ordre (1973), c'est la beauté des relations, la transparence des liens, qui est établie entre la vie de la colonie et la présence amicale du cinéaste qui transcende le sujet. Il s'agit d'un rapport à la maladie certes, rythmé par les rites chrétiens, mais aussi d'un rapport au travail, au repos, à l'ennui peut-être. C'est de là que peut émerger, en toute légitimité, la joie des rapports à autrui et le témoignage donné par la parole des habitants et leur poésie. En somme, des relations avec la routine de la vie quotidienne, telle qu'elle peut être vécue à la limite extrême de ces destins.
              Notre empathie est à fleur de peau. La tendresse et l'admiration accordent notre regard avec une précision inouïe, nous éloignant de la compassion creuse et craintive pour partager une expérience tout à fait honorable du bonheur. De leur parole et de leurs visages émerge la lucidité d’une condition humaine et d’un regard sur le monde qui a beau à être partagé dans l’art de la conversation le plus noble. L’inflexion de leur voix flânant du guarani vers l’espagnol et vice-versa devient une empreinte de vie au plus haut sommet du patrimoine humain.  S’il y a des films qui changent la vie Manojhara en fait sans doute partie.

             Le scan présenté ici (Cf. www.umlichtfilms.com/dominique-dubosc) réalisé à la cinémathèque de Brétagne, où il sera crée le fonds Dominique Dubosc, a été tiré d'un marron dont une partie de l’image n’est pas impressionnée. Nous présentons également les chutes de l'originale pour que l'on mesure le degré de la perte.


Mauricio Hernández


Manohjara chutes

16 mm – N & B – 3' 23''– France 1968
Réalisation : Dominique Dubosc